Nous ne pouvions pas commencer ce blog sans évoquer d’emblée celle qui symbolise le mieux cette forteresse médiévale, Madeleine de Saint-Nectaire. On sait peu de chose sur la personne, ce qui n’empêche pas Mézeray de la présenter comme « une des merveilles de son siècle pour la beauté, mais plus encore pour le courage et pour la vertu ».Fille de Nectaire de St Nectaire, bailli d’Auvergne et de La Marche, et de Marguerite d’Estampes, Madeleine naquit en 1526. Issue d’une famille de vaillants soldats, à l’image de son frère François, un des plus grands guerriers de son époque, elle était intrépide, franche et loyale, montait merveilleusement à cheval et maniait l’épée avec dextérité, ce qui ne l’empêchait pas d’être aussi très cultivée.
Elle se maria à 22ans avec Guy de St Exupery de Miremont, seigneur de Miremont, bailli royal des Montagnes d’Auvergne. Du couple naîtront trois filles : Françoise en 1550, Rose en 1554 et Marguerite en 1558. La vie semblait s’écouler à Miremont comme un long fleuve tranquille en cette période de calme après la tempête de la guerre de Cent Ans. Madeleine veillait à l’éducation de ses filles. Le décès de Guy son mari vers 1566, vint bouleverser sa vie. A 40 ans, elle dut prendre la direction du château et des terres de Miremont, ses filles étant encore mineures. Elle s’acquitta de cette tâche avec brio. Mais ce fut aussi une période où encore jeune et belle, elle dut repousser les avances de tous les châtelains des environs et disait à qui voulait l’entendre « je ne veux ni d’époux ni de maître ».A un certain Gilles de Montal, seigneur de Laroquebrou, le soupirant le plus amoureux, elle aurait déclaré : «Je n’ai envie de prendre pour maître un roquet de ma meute » (allusion double au chien fidèle aux trousses de son maître et au nom donné aux habitants de Laroquebrou).
Le 19 Mai 1571, sa fille Françoise épousait Henri de Bourbon, baron de Malauze, au cours d’un mariage fastueux célébré au château de Miremont. Henri était le filleul de Henri, roi de Navarre marié avec Jeanne d’Albret. Ces derniers étaient protecteurs des reformés et initièrent Henri de Bourbon à la foi protestante.
Les nuages noirs s’amoncelaient pourtant dans le ciel auvergnat. La tragédie de la St Barthélemy, le 24/08/1572 à Paris, eut en province pour conséquence d’amplifier le courroux du mouvement protestant. Henri de Bourbon fut choisi pour conduire les reformés auvergnats et il réussit à convertir sa belle mère Madeleine. Du coup, Miremont devint le quartier général des protestants, point de départ d’escarmouches et raids multiples sur le pays alentour. Les choses sérieuses commencèrent lorsque les reformés attaquèrent la ville de Pleaux en Mars 1574, puis prirent la ville de Mauriac le 16 mai 1574 à la faveur d’une trahison, et se livrèrent à un horrible pillage. Les calvinistes regroupaient quelques centaines d’hommes d’armes, logés à Miremont. Dans le camp d’en face, les Ligueurs commençaient à s’organiser. D’abord, une assemblée des Etats réunie à Murat vota un crédit de 80.000 livres pour déloger l’adversaire, désigna les chefs de la Ligue : Gaspard de Monmorin, comte de St Herem, et … le baron Gilles de Montal de Laroquebrou. C’est surtout ce dernier qui emmena l’armée des catholiques forte de 2000 hommes à pied et de 500 chevaux. La contre-attaque était imminente, quand les calvinistes un peu effrayés par ces préparatifs, quittèrent précipitamment la ville de Mauriac le 29 Juillet 1574 , et se réfugièrent à Miremont. L’armée catholique poursuivit les Huguenots jusqu’à Miremont et commença le siège de la forteresse. Plus de 900 coups de canon furent tirés sur Miremont, entraînant de gros dégâts dans la forteresse, mais ne furent pas décisifs et les catholiques levèrent le siège. La trêve hivernale s’imposa à tous par la suite, et les combats ne reprirent qu’au printemps 1575.
Henri de Bourbon réussit un joli coup en s’emparant du château et des terres de Montal à Laroquebrou, ce qui eut pour effet de rendre furieux ce dernier et d’accroître son désir d’en découdre au plus vite. Un événement imprévu survint alors dans ce conflit. Lors d’une escarmouche prés de Pleaux au printemps 75, Francois Robert de Lignerac captura Henri de Bourbon Malauze qui s’était écarté de sa garde. Étêté, le mouvement calviniste risquait de sombrer rapidement. Madeleine de St Nectaire comprit le danger, pour sa famille et pour son château, et se mit à la tête des huguenots. Le combat semblait inégal, 2000 hommes du coté catholique face à quelques centaines de calvinistes. Mais Madeleine ne s’arrêta pas à ces considérations, la motivation était de son coté. Elle avait constitué autour d’elle une garde rapprochée d’un cinquantaine d’arquebusiers à cheval, dévoués à leur maîtresse. Agrippa d’Aubigné dira que « tous suivaient le drapeau de l’amant et le sien ensemble, presque tous brûlants pour elle, sans que jamais aucun se soit pu vanter d’une caresse déshonnête ».
Il dira aussi que Madeleine guerroyait sans casque, les cheveux dénoués et flottant sur sa cuirasse pour que chacun la distinguât dans la mêlée.
Ainsi donc les escarmouches se multiplient, et Montal, aguerri par l’échec de l’an passé, commence par installer un camp d’observation prés du château et à lancer des raids sur les terres de Miremont. A la tête d’une poignée de cavaliers, Madeleine attaqua le camp d’observation au cri de « Faites comme moi!!» et mit en pièces les deux compagnies qui la défendaient. Elle fit preuve de moins de clairvoyance en se lançant au secours d’un village sur ses terres attaqué par Montal, C’était une ruse qui devait la faire sortir de son repaire. Ce qu’elle fit, mais pendant qu’elle anéantissait une petite avant garde de la ligue, Montal encerclait son château, lui coupant la route de retour. Elle opta aussitôt pour aller chercher du renfort et prit avec sa troupe la route de Turenne. Là elle trouva le secours recherché auprès du vicomte de Turenne qui lui fournit immédiatement quatre compagnies d’arquebusiers à cheval avec la promesse d’une aide plus conséquente à venir. De retour à Miremont, elle rencontre Montal sur sa route. Les arquebusiers de Turenne se frottent à l’infanterie de Montal, pendant que Montal et sa cavalerie foncent sur Madeleine. Avec ses seuls cinquante arquebusiers, Madeleine charge et enfonce l’escadron de Montal. Montal est touché, de la main de sa redoutable adversaire, et meurt quatre jours plus tard.
L’Histoire est souvent facétieuse et il est difficile de séparer la réalité de la geste. Plusieurs versions existent sur la fin de Montal :
- soit il reçoit un coup d’épée fatal et la légende continue avec Madeleine lavant son épée dans une fontaine proche du château ; fontaine qui débite une eau rougie à chaque anniversaire ;
- soit il reçoit une balle en plein corps et meurt quatre jours après
- soit il reçoit une balle dans la cheville et meurt quatre jours après, (??)
Quoiqu’il en soit, le chef ligueur est atteint et est emporté par ses troupes, le combat alors cessa, le château fut évacué et les troupes de la ligue se retirèrent.
Ainsi se termine la geste de Madeleine de St Nectaire. Par sa conduite et son courage, son souvenir demeure. Elle fera l’admiration aussi de ses contemporains, Henri de Navarre dira en apprenant l’exploit : « Ventre Saint-Gris, si je n’étais pas roi, je voudrais être Madeleine de St Nectaire ».
Madeleine restera dans l’Histoire sous différents noms qui vont de Dame de Miremont, Dame d’Auvergne, l’Amazone de Haute-Auvergne, à Femme de guerre.
Miremont libéré, Madeleine reviendra à une vie plus normale, se déchargera de la gestion des terres sur son gendre, et reprendra une vie paisible. Elle décédera le 27 Avril 1588 sans que l’on sache exactement où (Miremont ou château de Pierrefite en Corrèze ?).
Même si la plupart des écrits sur Madeleine ne retrace que le portrait d’une amazone ivre de combats, sa vie pré- et post- geste témoignent d’un tout autre caractère. Dans sa vie familiale, elle fut une bonne mère, soucieuse de l’éducation de ses enfants, voulant préserver leur l’héritage, investie de la charge de chef de famille par le décès de son mari. Dans des lettres autographes retrouvées au château de La Majorie, apparaît toute son humanité, toute sa sollicitude pour ses neveux naturels, qu’elle traite comme des enfants légitimes. Le ton de ces lettres est humble, loin d’être arrogant, affable et poli. Apparaissent un tout autre visage et caractère très méconnus, mais qu’il faudrait mettre en valeur, à l’instar des demandes de l’Abbé Poulbrières et du Comte de St Exupery (le 22/02/1890 à la Société des Lettres , Sciences et Arts de La Corrèze).
J.Arnal